Douleurs & Blocages
Tant de souffrance.
Je pourrais écrire tant de souffrances, au pluriel. Seulement voilà, passé un certain seuil, l’accumulation de souffrances est telle qu’elle en devient un gros magma, terrifiant, gigantesque, engloutissant. Un gouffre de souffrances unifiées, solidaires, plus fortes que jamais… devenues une.
Suffocante et invincible souffrance.
C’est avec ces mots que je définirais mon quotidien si toutefois quelqu’un osait me demandait sincèrement comment je vais.
Un quotidien suffocant de souffrance.
Mais qui me le demande ? Pas grand monde. Si peu de personnes en réalité. Et ces personnes dont j’espère les mots, celles-là ne parlent pas.
Surtout ne rien dire. Surtout ne rien éprouver. Surtout ne rien montrer.
Les mots sont bloqués parfois. Empêchés par l’effroi, la pudeur, la peur de « dire mal » et aussi par les non-dits. Quelle joueuse ironie ! Les mots qu’on ne dit pas à cause de non-dits. La boucle est bouclée. Il n’y a plus rien à attendre.
Ni les mots, ni l’apaisement, pourtant viscéralement espérés.
Mais je serais sacrément hypocrite de leur en vouloir à ces gens qui ne parlent pas. Parce que les mots bloqués, je connais. Bloqués dans mon corps, dans chaque cellule qui se souvient, parfois même mieux que moi et à mon insu. Mieux que mon cerveau et ses cases. Souvenirs, émotions, odeurs, sensations, douleurs… traumatismes. Chacun sa case, en fonction de sa catégorie. Chacun sa place. C’est plutôt bien fait le cerveau quand on y réfléchit. Sauf quand les traumatismes s’accumulent et sont tellement douloureux que le cerveau n’arrive plus à les gérer. Dommage. Ils flottent là, puissamment rois, jouissivement souverains du cerveau tout entier qu’ils déséquilibrent. Et ils empêchent de parler, et de s’entendre dire l’indicible.
Alors que tant reste à dire, puisque tant reste à vivre.
Vivre. Il est là le problème. Comment continuer, tenir bon, quand littéralement tout est combat. Quand l’épuisement, mon amour, embrasse notre corps, notre cœur et notre âme.